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Sa 17.
Octobre
15h
Vers un jeune théâtre européen / Towards a young European theatre
Table ronde
Vers un jeune théâtre européen / Towards a young European theatre

Création multilingue et coopération transfrontalière en Europe / Multilingual creation and cross-border cooperation in Europe
avec

Anne Bérélowitch
Julie Paucker
Simon Rembado
Nicolas Royer
Mischa Schmelter
Mike Sens
Marc Sussi
Un.e débat/table ronde a eu lieu, samedi 17 octobre 2020 de 15h à 17h à l’Espace des Arts, pendant le Focus Jeune Théâtre Européen, autour de la question des spectacles multilingues et de leur traduction, ainsi que les obstacles aux coopérations et coproductions transnationales.

Avec les intervenant.e.s :
Anne Bérélowitch, Directrice artistique Instant MIX et soutien à la mise en œuvre du Focus Jeune Théâtre Européen
Julie Paucker, Directrice artistique et dramaturge de la Comagnie KULA, plateforme de théâtre transnationale, située en Allemagne / Directrice artistique de Rencontre du Théâtre Suisse 2021
Simon Rembado, Compagnie Les Poursuivants, metteur en scène du spectacle La Langue programmé dans le cadre du Focus Jeune Théâtre Européen
Nicolas Royer, Directeur de l’Espace des Arts, Scène nationale Chalon-sur-Saône
Mischa Schmelter (en visio), Chef du Pôle Europe, Direction de la Culture, du Patrimoine et de la Mémoire, Région Grand Est
Mike Sens, Auteur, traducteur, directeur de Media Writers & Translators, responsable du comité néerlandais pour la Maison Antoine Vitez
Marc Sussi, Directeur du Jeune Théâtre National / modérateur du débat

[EXTRAITS]
Marc Sussi — Pourquoi le Jeune Théâtre National, Instant MIX et la Scène nationale de Chalon-sur-Saône ont décidé de faire ce Focus ?
Il y a évidemment un enjeu politique - il s’agit de construire l’Europe - et à chaque fois qu’il en est question au théâtre, on parle de barrières de langue. Nous, nous pensons que cette barrière peut être un atout et que nous pouvons bouleverser ces frontières linguistiques. Si nous voulons construire l’Europe, nous devons produire des spectacles qui soient bilingues, voire multilingues. C’est l’enjeu de ce Focus.

Anne Bérélowitch — Depuis environ huit ans, j’ai essayé d’œuvrer à différents endroits pour développer ces coproductions transnationales, la rencontre des langues sur le plateau avec tout ce qu’elle produit de jeux, d’effets vertueux à la fois artistiques et politiques. Et évidemment sur la mobilité des jeunes artistes, car c’est une nécessité pour les nouvelles générations de penser leur carrière au moins à l’échelle de l’Europe, et nous devons contribuer à préparer cet espace international pour elles et eux. Car quand on parle d’Europe aujourd’hui, cela signifie ouverte sur le reste du monde.

Mike Sens — Le multilinguisme est un enjeu énorme dans le sens où Goethe disait : « Wie viele Sprachen du sprichst, sooft mal bist du Mensch » à savoir qu’on est autant de fois un homme qu’on parle de langues. Quand on manie le français, la pensée se structure différemment qu’en anglais ou en néerlandais. On n’utilise pas la même musicalité non plus. Si un acteur sur le plateau change de langue, que se passe-t-il au niveau dramaturgique ?

Mischa Schmelter — Le service dans lequel je travaille a pour mission beaucoup de dimensions : la connaissance, l’identification des acteurs qu’il peut y avoir en face, la compréhension des modes de production, de diffusion, les environnements institutionnels et politiques, la typologie des aides, comment les écosystèmes sont structurés jusqu’à des questions d’ordre juridique concernant les différents types de rémunération, les statuts d’artistes. Pour moi, il y a une richesse dans les langues, une compréhension, une vue sur le monde différente et on perd en qualité, voire même en l’essence même de l’intérêt de travailler ensemble, si on aborde la langue seulement par le prisme de l’obstacle à dépasser.

Simon Rembado — Dans La Langue, j’ai voulu réunir des personnes pour parler de nos expériences communes, comparables d’un pays à un autre, que nous avions vécues. Comme cela concernait notre manière de parler, le fait de faire du théâtre et de maîtriser la parole, l’idée s’est imposée que le spectacle devait se faire dans les différentes langues des personnes réunies. J’ai envie de continuer à explorer, parce que c’est une chose pour laquelle j’ai du goût depuis longtemps, mais sans forcément avoir mis l’étiquette « multilinguisme » dessus.

Julie Paucker — Si on travaille avec des acteurs venant de différents pays, c’est toujours politique, car en tant qu’acteur dans un spectacle multilingue, on représente son pays, c’est automatique : s’il y a, par exemple, un seul Français dans un projet international, il sera « Le Français » sur scène par exemple. Si Romaric joue dans un spectacle en France, il n’est pas « spécialement » le Français. L’origine de l’artiste n’est pas le sujet, alors que dans un spectacle international c’est omniprésent. Je vois dans cela un grand potentiel, une possibilité de travailler et de « jouer » ensemble et de vraiment faire apparaître les questions d’Europe artistiquement, de façon explicite ou implicite, mais cela se fait presque tout seul. Dans le contexte actuel, je trouve cela très intéressant de faire des essais avec des jeunes artistes pour se demander ce que c’est l’Europe, ou ce que cela pourrait être, au niveau artistique.

Mischa Schmelter — Sur ce plan transnational, pour qu’une oeuvre ait une mobilité et une vie au-delà d’un pays d’origine, il faut une volonté artistique, un intérêt du public. Ici, il s’agit de voir ce que l’on peut essayer de développer comme possibilités qui résultent d’un travail artistique sur le plan transnational, mais qui devrait toujours nécessairement avoir comme point de départ une volonté artistique.

Nicolas Royer — Ces spectacles [ceux présentés dans le cadre du Focus] doivent pouvoir être joués, et ne pas rester qu’une expérimentation. Si nous ne créons pas des réseaux pour pouvoir montrer ces oeuvres, nous ne resterons toujours que dans un cadre expérimental avec des difficultés à mobiliser de jeunes artistes qui privilégieront des contrats plus longs.

Anne Bérélowitch — Les coopérations transnationales demandent certes plus de moyens, mais en créent aussi. La mutualisation produira plus de richesses que si chacun s’échine dans son coin. Il y a une diversité incroyable dans les logiques de production européennes, même sur des pays très proches : les façons de penser l’économie du spectacle sont très différentes. C’est intéressant de les confronter, de se parler pour voir comment les façons de fonctionner des uns et des autres produisent certains effets sur les habitudes du public, sur la nature des créations que nous produisons, et comment nous pourrions nous rencontrer sur ces enjeux.

Hanna Lasserre, représentante de la société Panthea — Il faut aussi aller à la recherche de l’échange et des possibilités, des solutions que l’on peut trouver pour cet échange : le surtitrage évidemment, mais aussi les traductions, comment on peut faire vivre la langue de l’autre au sein du dialogue, etc. Une des difficultés des projets multilingues, c’est qu’ils sont spécifiques et qu’ils répondent à d’autres questions qu’un projet franco-français ou d’un pays étranger, et posent le multilingue comme une dramaturgie, c’est déjà un acte - nous parlions d’acte politique.

Marc Sussi — Notre ambition autour de ce projet Focus est de construire un réseau de production européen, à la fois pour permettre la production et la circulation des spectacles présentés, mais aussi pour encourager les jeunes artistes à concevoir et à proposer des projets européens. La mobilité des spectacles, à l’échelle de l’Europe et au-delà, suppose de développer des stratégies de traduction diversifiées, qui peuvent être réellement créatives et inventives, et faire partie intégrante des spectacles.

Nicolas Royer — L’Espace des Arts s’engage sur les quatre prochaines années sur le sujet et va déposer un projet « Europe Créative » sur cette question de la production et des moyens et demander à la DGCA un fonds de production européen, le FPE, afin de créer les conditions, au moins financières, de cette rencontre entre le jeune théâtre européen, création multilingue et coopération transfrontalière en Europe.

[TRANSCRIPTION DE LA TABLE RONDE]
Pour consulter la transcription intégrale de la table ronde, cliquer sur le lien ci-dessous

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