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Ve 16.
Octobre
19h
Sa 17.
Octobre
19h
La Langue
Simon Rembado
© Maxim Bruchet

Mise en scène, écriture collective dirigée par
— Simon Rembado
Assisté par
— Aurélien Marquet
Scénographie, lumière et son
— Cyril Meroni
avec

Colleen Cameron
Loulou Hanssen
Virginia V. Hartmann
Kenza Lagnaoui
Seraina Leuenberger

Avec la participation en vidéo de
Aleksi Holkko, Etienne Lou, Yuriy Zavalnyouk

Vendredi 16 et samedi 17 octobre 2020 à 19h
à l'Espace des Arts



durée : 1h25

LA LANGUE

Texte pour Maëlle Poésy, metteuse en scène

« En vous quittant, à la suite de cette audition pour Sous d'autres cieux, je vais aller à La Colline pour jouer la dernière représentation de Notre innocence de Wajdi Mouawad. Je vais retrouver mes camarades au plateau. Il y a Mounia, il y a Hayet, il y a Mohammed, il y a Hatice. Wajdi Mouawad s'est beaucoup intéressé à leurs origines. À l'Algérie. À la Turquie. Il leur a demandé de nous en parler. J'écoutais, et des larmes coulaient de mes yeux, à chaque fois.

À moi, il ne m'a rien demandé. Pourtant, quand j'écoutais mes amis parler de leur famille, de leur pays, je respirais au même rythme qu'eux. Je pouvais dire les mêmes mots. Je comprenais tout. L'exil, c'est la langue. Mon émotion a l'air idiote quand on la compare à la leur. Vous aussi vous allez la trouver idiote, ne me mentez pas.

L'exil, c'est la langue. Je ne viens pas d'un pays étranger. Je viens d'un des derniers foyers où on a parlé provençal. Mon père le parle mais ne me l'a jamais appris. À quoi ça sert ? J'ai appris le latin et le grec ancien mais je n'ai pas appris le provençal. Et c'est vrai : à quoi ça sert ?

Ça sert à se sentir exilé. Ma famille n'a pas quitté sa terre. Elle y est restée. C'est la terre qui s'est effacée de sous leurs pieds. Quand je rends visite à ma grand-mère, là-bas, dans un EPHAD au milieu de rien, je suis exilé. Elle est atteinte de démence et elle ne parle plus le français. Elle ne parle que sa langue maternelle. Provençal. Je ne la comprends pas. Tout ce que je peux faire c'est lui chanter les chansons qu'elle me chantait quand j'étais petit.

Est-ce un exil, quand c'est le pays qui disparait ?

J'ai voulu aller faire du théâtre à Paris, et on m'a dit « Avec votre accent, jeune homme, cela ne pourra jamais arriver. Vous serez toujours ridicule, et on ne vous emploiera pas. » L'accent, le seul vestige de la musicalité de ma langue, il a fallu le perdre. Et je l'ai bien perdu. J'ai beaucoup travaillé. J'ai réussi à détruire tout ce qui me rattachait encore à une autre langue que je ne connaissais pas.

Et pourtant ce n'est jamais assez, et je suis toujours quelqu'un qui ne vient pas d'ici, et qui n'est pas où il faut. Au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique, ma professeure Nada Strancar me disait : « J'entends encore ton accent. » sans bienveillance et sans humour mais avec gravité et agacement. Je ne répondais rien et à l'intérieur de moi je hurlais « MAIS PUTAIN DE MERDE, TU ES SLOVÈNE !! TU POURRAIS COMPRENDRE CE QUE ÇA FAIT !! »

L'exil, c'est la langue. Je ne suis sans doute pas exilé. Mais je comprends l'exil. Mon émotion a l'air idiote souvent. Elle fait rire. On ne m'a arraché à rien. Justement : rien. Je suis arraché de rien. Mon émotion existe pourtant, à défaut d'être célébrée. »

Simon Rembado



LA LANGUE

Mise en scène, écriture collective dirigée par Simon Rembado
Assisté par Adrien Marquet
Scénographie, lumière et son Cyril Meroni

Avec Colleen Cameron, Loulou Hanssen, Virginie V. Hartmann, Kenza Lagnaoui, Seraina Leuenberger
Avec la participation en vidéo de Aleksi Holkko, Etienne Lou, Yuriy Zavalnyouk

Production Compagnie Les Poursuivants
Avec la participation artistique du Jeune théâtre national
Avec le soutien du CDN de Besançon, du Centquatre-Paris et de la Compagnie Cipango


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